Être professionnel, c’est savoir où placer ses limites et tout cadrer par écrit. Un contrat clair protège les deux parties et évite la plupart des malentendus. Fixer ses prix, négocier avec cohérence et savoir refuser certaines propositions sont des compétences essentielles pour construire une carrière artistique viable.

7.1 Contrats : cadrer par écrit (indispensable)

Un contrat n’a pas besoin d’être long ou compliqué pour être efficace. L’essentiel est que les points importants soient posés clairement et validés par écrit. Même un simple mail daté vaut mieux qu’un accord oral, toujours source de malentendus.

Voici une liste des documents les plus courants dans la pratique artistique :

• Vente simple : facture + certificat d’authenticité.
• Dépôt-vente / Consignation : lorsqu’une galerie conserve des œuvres en vue de leur vente.
• Prêt / Exposition : pour un centre d’art, une foire ou une institution (précisant durée et assurance).
• Commande / Œuvre sur mesure : indispensable si l’on vous demande une création spécifique, avec planning et jalons.
• Cession / Licence de droits : utilisation d’images de vos œuvres (édition, presse, produits dérivés).

Les clauses-clés à ne pas négliger :

• Durée, territoire, exclusivité (ou non) : sur combien de temps, où, et dans quelles conditions.
• Prix, commission, remises, échéancier de paiement : pour éviter toute ambiguïté.
• Production, transport, assurance : qui paie et qui est responsable ?
• Reproduction d’images : sur quels supports, avec quels crédits, et pour quelle durée.
• Conditions d’annulation, force majeure : toujours prévoir l’imprévu.
• Inventaire signé, état des œuvres (condition report), certificat d’authenticité : sécuriser la circulation de vos œuvres.
• Transfert de propriété : à préciser, généralement au moment du paiement effectif.
• Assurance “clou à clou” : de l’accrochage au décrochage, pour tout prêt ou exposition.
• Jalons + kill fee : en cas de commande, prévoir des étapes et une indemnisation si le projet est interrompu.

Drapeaux rouges : location d’espace à vos frais, sans contreparties, cession « tous droits, partout et pour toujours », paiement différé « après vente éventuelle », absence d’assurance.

Règle d’or : pas d’envoi, pas d’accrochage, pas d’impression sans écrit — au minimum un mail récapitulatif daté et validé.

Conseil Vagabond

De nombreuses ressources sont disponibles en ligne (modèles types de contrats, guides pratiques d’institutions et d’organismes professionnels), mais rien ne remplace la relecture par une personne chevronnée (avocat, juriste ou conseiller spécialisé) avant de signer un engagement important.

7.2 Fixer vos prix

La clé est la cohérence : des prix stables et justifiés rassurent aussi bien les collectionneurs que les galeries, et facilitent vos propres négociations.

Objectif : cohérence, lisibilité, progression raisonnable.

• Étape 1 — Référentiel marché (comparables) : repérez des artistes proches (médium, format, parcours, géographie). Notez leurs fourchettes de prix.
• Étape 2 — Grille interne par format (évitez de facturer « au temps ») :
  Méthode surface : prix = (côté long + côté court) × tarif linéaire ou H×L (cm²) × taux.
  Méthode paliers : SM (≤ 30×30), M (≤ 60×60), L (≤ 100×100), XL (> 100 cm). Les grands formats progressent de manière non linéaire (plus vite que les petits).
• Ajustements : complexité technique, rareté (série vs pièce unique), encadrement, historique d’expositions, demande.

Exemple de grille simple (indicative) :

Conseil Vagabond

Remises et commissions : alignez-vous avec la galerie (commission 50 % usuelle) ; remises limitées (5–10 %) et toujours actées sur facture. Gardez une cohérence des prix entre ventes directes (également appelés « prix artiste » ou « prix atelier ») et galerie.
Évolution : augmentez modérément (≈ 5–15 %/an) si la demande suit (ventes régulières, expositions notables). Documentez vos révisions.

7.3 Travailler « pour la visibilité » ?

Si un artiste a besoin de se nourrir et de financer sa pratique, dans le monde de l’art, certains acteurs trouvent parfois leur compte en mettant en avant la « visibilité » comme une forme de contrepartie symbolique. Cette valorisation sociale profite au lieu ou à l’organisateur, mais ne couvre pas les besoins concrets de l’artiste.

Pourquoi éviter :

• Cela dévalorise le travail artistique.
• L’artiste assume souvent les coûts/risques (production, transport) sans garantie.
• La « visibilité » est rarement mesurable.

Exceptions possibles (à définir par écrit) si plusieurs critères sont réunis :

• Institution reconnue / commissariat identifié.
• Contreparties concrètes : prise en charge (transport/assurance/production), cachet ou honoraires.
• Public qualifié (professionnels, presse, collectionneurs) + visibilité éditoriale (catalogue, conférence).
• Calendrier compatible et traces utiles (photos professionnelles, vidéo, texte critique).
• Clause d’interdiction de frais cachés (pas de « location d’espace »).

Si une contrepartie manque : demandez-la. Sinon, passez votre tour.

7.4 Outils utiles

Rédiger un contrat ou établir une facture peut sembler fastidieux, mais ce sont des étapes essentielles pour professionnaliser votre activité. Pour vous faciliter la tâche, Vagabond mettra prochainement à disposition de ses membres une série de modèles prêts à l’emploi, directement adaptables à vos besoins.

• Facture de vente (directe et via galerie)
• Certificat d’authenticité
• Contrat de dépôt-vente (galerie) + inventaire
• Contrat de prêt/exposition (assurance clou à clou, transport)
• Contrat de commande (planning, jalons, kill fee)
• Cession/licence de droits (durée, territoire, supports, exclusivité, rémunération)
• Bordereau d’inventaire + état des œuvres (condition report)
• Grille de prix par format (paliers/surface) + politique de remises
• Checklists : transport/emballage, accrochage, retour

Conseil Vagabond

Les aspects administratifs, contractuels et financiers peuvent sembler rébarbatifs, surtout quand on préférerait se consacrer pleinement à la création. Pourtant, ils sont indispensables pour protéger votre travail et garantir votre juste rémunération. Autant les mettre en place correctement dès le départ : une fois vos modèles et vos habitudes établis, tout devient plus simple et vous gagnez en sérénité.